Simone Veil en BD
 L'immortelle
Article extrait de la revue Phosphore N° 447 de juillet 2018

 Pour découvrir la vie de Simone Veil, à l’heure de son entrée au Panthéon, vous pouvez plonger dans une BD au trait sensible, celui d’Hervé Duphot, et à la narration élégante, signée Pascal Bresson. Simone Veil, l’immortelle (chez Marabulles) revient sur les temps importants de sa vie, associant à chaque période une couleur.

  Phosphore. Les planches ont une couleur qui domine. Du jaune, du bleu, du noir… Pourquoi ?

 Hervé Duphot et Pascal Bresson. Nous avons choisi un code couleur pour différencier chaque époque. L’histoire est construite sous forme de flashbacks, le lecteur peut ainsi suivre le parcours et le destin de Simone, en repérant immédiatement à quelle époque nous sommes dans le récit. Par exemple, la période contemporaine de « la loi » est la couleur bleue. Pour rendre la jeunesse de Simone plus sereine et plus joyeuse, nous avons opté pour le jaune. Et pour exprimer la tragédie et la misère, le gris s’est imposé.

.Phosphore Dans les cases, où elle prononce son discours à l’Assemblée nationale pour la légalisation de l’avortement. Sur son visage, on lit peu d’émotion. Pourquoi ?

Hervé Duphot et Pascal Bresson. Simone Veil avait le trac. Elle savait qu’on l’attendait au tournant. C’était un peu sa vie qu’elle jouait à ce moment-là, ainsi que celle de milliers de femmes. Son regard est fermé, car c’était une femme pudique, un caractère dur qui ne montrait pas ses failles. Elle ne devait pas échouer, son discours avait était bien construit, bien travaillé. Tous les regards étaient rivés sur elle. Ce ne fut pas facile en tant que femme de s’imposer dans ce milieu d’hommes machos.

 Phosphore. Que ressentez-vous aujourd’hui devant ce discours, après l’avoir sans doute beaucoup vu, beaucoup lu ?

 Hervé Duphot et Pascal Bresson. De l’émotion. Pour l’époque, c’était d’une grande force et d’une grande modernité. Elle avait exprimé un discours d’humilité, de fermeté, avec des convictions au service du message. Elle utilisait des armes redoutables pour désamorcer, phrase après phrase le champ de mines qui s’ouvrait devant elle.

. Phosphore. Qu’y a-t-il à votre avis dans la tête de la jeune Simone au début de la guerre 39 /45 ?

 Hervé Duphot et Pascal Bresson. Peut-être se sent-elle en danger ? À cet instant, elle est consciente qu’en Europe, on tue des juifs par milliers. Elle sait que sa famille peut-être déportée en quelques minutes, alors elle essaie de vivre tout simplement, en se donnant de l’espoir.

 Phosphore. Cette planche est effrayante. Simone Veil arrive dans un camp de concentration. Comment dessiner Auschwitz ? Quels sont les peurs et les interdits face à ça ?

 Hervé Duphot et Pascal Bresson. Il fallait montrer le vrai visage de cette période noire de la déportation. On n’a pas cherché à tricher, bien au contraire. On a montré l’horreur dans sa quotidienneté dans les camps. Il était inutile d’en rajouter ou de faire du « pathos », juste mettre en avant ce que Simone et les siens avaient enduré. Techniquement les contrastes sont accentués. Il y a plus de noir et les images sont salies, tout en préservant une unité d’ensemble. Après, trouver le dessin juste qui retranscrira l’horreur absolue est une chose difficile, et on n’a pas voulu en faire trop.

  Phosphore. Nous n’avons pas trouvé trace de témoignage où Simone Veil raconterait avoir été tondue. Vous montrez pourtant cette scène dans votre BD. Pourquoi ?

 Hervé Duphot et Pascal Bresson. À Auschwitz, l’horreur s’imposait par étapes. Après avoir été dépouillées des objets qui leur importaient le plus, dont la valeur sentimentale leur paraissait inestimable, on forçait ces femmes à se faire raser la tête. Ce ne fut pas le cas pour Simone, contrairement aux autres déportées de son convoi. « Les coiffeurs d’Auschwitz » avaient peut-être estimé qu’elle était trop jeune et trop belle. Pourtant, on sait qu’ils ne faisaient pas dans la dentelle. Simone Veil n’a pas su pourquoi elle avait échappé à ce rituel. Dans notre histoire, on voit que ses cheveux ont été coupés très court, mais pas tondus. Comme c’était l’exception, nous avons quand même voulu montrer cette étape, qui normalement n’épargnait personne, pour témoigner.

En savoir plus : 
https://www.phosphore.com/actu-en-clair/simone-veil-en-bd/


Articles les plus consultés